J'ignore comment tu en es venu à savoir que ce corps n'est pas le mien. Je vais répondre à ta question, mais je te conseille de demeurer sur tes gardes. Si la réponse venait à s'ébruiter, je te jure que tu perdras tout souvenir de ce que tu as jamais aimé.
Cette apparence est la seule enveloppe de chair et de sang que j'aie revêtue. Mon autre forme, celle qui t'intrigue, ne coïncide pas avec la conception humaine du corps. C'était une ombre blanche, mais une ombre tangible, palpable. Une silhouette sans coeur qui bat, sans veines qui s'ouvrent pour laisser couler le nectar de la vie. Je ne ressentais rien, sinon par les souvenirs dont je m'abreuvais. Je connaissais tant, mais je n'avais rien vécu qui me soit propre. Ce corps que j'habite en ce moment peut ressentir le toucher, la ventilation déficiente dans cette pièce, la brûlure calme de ce bourbon dans la gorge. Les émotions aussi, jusqu'à un certain point. Je peux ainsi prétendre participer à cette vie que je cherche à protéger.